Survivre à une pandémie : des outils pour faire face à l’isolement, à l’anxiété et au deuil

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Une sélection d’exercices, de rituels et de modes de préparation que tu peux utiliser pour renouer avec tes actions et ta réalité alors que nous affrontons les effets à long terme de la pandémie de COVID-19.

Le texte qui suit s’inspire de nos expériences de lutte, de développement et de perte. Il s’appuie sur ce que nous avons appris de la pratique de l’expérience somatique ainsi que des soins de fin de vie que nous prodiguons en tant que doulas de la mort, infirmier·ère·s et êtres humains qui aiment les gens dans un monde difficile. Ce texte est également né de la nécessité de reconnaître et d’affronter nos peurs au niveau individuel afin de nous assurer que nous pouvons renforcer la capacité à nous faire confiance dans ce nouveau contexte incertain. Personne ne sait comment endiguer cette pandémie – et il est plus que jamais évident que nous ne pouvons pas faire confiance à l’État. S’occuper de notre santé mentale peut accroître notre capacité à agir ensemble.


Nous nous trouvons dans une nouvelle ère au sein de laquelle nous devons trouver ensemble comment naviguer dans les méandres de la vie au milieu d’une pandémie mondiale. Nous subissons tou·te·s un traumatisme collectif alors que la vague de COVID-19 se déplace à travers le monde, déchirant le tissu fondamental de la société. D’autres êtres vivants laissent échapper un profond soupir de soulagement alors que le capitalisme vacille dans ce pays – ainsi que dans le reste du monde. Ce moment historique a ouvert la voie à de nouvelles possibilités de connexion et d’entraide dans les aspects sociaux et économiques de notre quotidien, alors que nous continuons d’expérimenter l’étrangeté de la distanciation physique et la perte ambiguë de ce que nous avons connu comme étant la vie quotidienne.

Entrer et sortir des moments de stress et d’incertitude alors que nous essayons de naviguer dans les méandres de la vie avec ce virus est une expérience humaine collective et mondiale. En même temps, cette pandémie n’est pas un événement unique ; elle fait partie de la nouvelle normalité dans cette économie mondiale. Les virus continueront à se propager tant que nous continuerons à perturber l’équilibre écologique de la planète. Pourtant, ce que nous avons vécu jusqu’à présent pourrait nous aider à trouver des solutions sur comment construire ensemble la société que nous voulons à mesure que nous avançons vers l’avenir. Même si cela peut sembler difficile, il est important de se rappeler que nous avons la capacité d’agir – ensemble, nous pouvons construire une vie pleine de sens dans les décombres des parties de ce monde que nous devons laisser derrière nous.

Ce texte est un petit effort pour nous aider à nous soutenir mutuellement dans le processus de ce réajustement collectif alors que nous continuons à nous battre pour réaliser les rêves que nous avons pour ce monde. Nous offrons un regard sur l’importance de passer à travers les nombreux aspects du deuil avec quelques suggestions sur la façon dont nous pouvons nous préparer à l’inconnu qui nous attend. Nous proposons plusieurs exercices somatiques visant à faciliter notre capacité à nous ancrer dans un avenir incertain tout en trouvant des moyens créatifs d’établir des liens et de développer l’imagination malgré la nécessité d’un éloignement physique accru.

Certain·e·s d’entre nous sont en état de choc. D’autres sont anxieux·euses. Quels que soient les sentiments et les états d’esprit que tu traverses en ce moment, tu restes une personne sensée. Chacun·e d’entre nous, à sa manière, subit ce que l’on appelle une perte ambiguë. L’expérience collective liée au COVID-19 a commencé sans que nos vies pré-pandémiques n’aient subi une quelconque forme d’interruption. Aucun·e d’entre nous n’a une compréhension claire et exacte de ce que cette nouvelle situation signifie pour notre vie quotidienne. Nous ne savons pas comment nous allons pouvoir gagner de l’argent à l’avenir. Les pertes imprévues peuvent bouleverser et dépasser nos capacités d’adaptation, ce qui rend le fonctionnement normal de nos vies extrêmement difficile. Nous devons trouver de nouvelles façons de structurer notre vie. Cela peut nous rendre anxieux·euse et compliquer, voir même retarder, notre processus de gestion des pertes qui nous permet de nous adapter aux changements. De plus, en raison de la pandémie, beaucoup d’entre nous ressentent également le chagrin anticipé de la perte imminente d’êtres chers. Aucun·e d’entre nous n’est seul·le dans cette situation.

En raison de la façon dont notre cycle de réaction aux menaces fonctionne en tant qu’êtres humains, nous avons du mal à nous orienter sur la nature de la menace car l’avenir nous est complétement inconnu à l’heure actuelle. Nous sommes hyper-concentré·e·s sur nos téléphones et nos écrans, cherchant à la fois des informations et des connexions pour nous apaiser – pour nous aider à obtenir un sentiment de contrôle et à imaginer la voie à suivre. Pourtant, cela ne calme pas notre système nerveux. Notre tronc cérébral est conçu pour localiser une menace, en général en cherchant d’abord au loin avant de se rapprocher progressivement de notre milieu environnant immédiat. Dans la situation actuelle, notre système nerveux a tendance à rester dans un état d’alerte permanent parce que l’environnement dans lequel nous nous trouvons actuellement nous donne des informations qui sont potentiellement dangereuses et qui changent très rapidement.

Notre système immunitaire est profondément interconnecté avec notre système nerveux, et notre niveau de stress a un impact sur ces deux systèmes. En particulier, des périodes de confinement prolongées – telles que celles que nous connaissons en ce moment – mettent à rude épreuve notre système immunitaire. Nous espérons que certains de ces outils pourront t’aider à apaiser et équilibrer ton système nerveux, ainsi qu’à générer la mobilisation que beaucoup d’entre nous recherchent.

L’isolement social est un facteur de risque qui compromet notre santé mentale et physique. Dans ce nouveau contexte, il est très important que nous orientions notre intention vers la création de liens avec d’autres personnes. L’utilisation d’écrans et de chats vidéo peut soumettre notre système de fixation à une tension extrême. Nous devons faire un effort pour développer nos expressions faciales, établir un contact visuel et moduler le ton de notre voix avec les autres. Nous devons imaginer des fenêtres là où il y a des murs. Il est important que chacun·e de nous résiste à la tendance visant à normaliser la peur des autres, peur que nous ressentons déjà trop souvent dans cette société individualisée. La mise en œuvre de ces pratiques peut nous aider à éviter les interactions basées sur la peur, que ce soit avec des ami·e·s ou des personnes étrangères.


Le consentement

Un moyen de réduire le stress et les dommages que nous nous infligeons à nous-mêmes ainsi qu’aux autres est de correctement pratiquer le consentement lors de nos interactions avec autrui. Par exemple, prends le temps de déterminer tes limites personnelles dans tes relations avec les autres. As-tu besoin d’être à deux mètres ou plus des gens ? As-tu besoin qu’ils ou elles portent des masques s’ils ou elles veulent te parler ? Te sens-tu à l’aise d’être assis·e à côté de quelqu’un ? Est-il acceptable que vos pieds se touchent ? Si oui, dans quelles conditions ?

Pose-toi des questions comme celles-ci et fais connaître tes sentiments aux autres. Cela permettra d’éviter que les gens ne franchissent accidentellement une limite dont ils et elles ne soupçonnaient pas l’existence. Cela peut également contribuer à réduire le type d’autosurveillance qui peut se produire lorsque les gens ont peur et ont des doutes, ce qui permet à toutes les personnes concernées de savoir que leur entourage est attentif à leurs limites et à leurs besoins.


Exercice : se serrer soi-même dans ses bras en émettant un son « vu »

Se toucher est un outil utile, surtout en ce moment où nous avons moins de contacts physiques. Le stress et le confinement peuvent affecter notre digestion. Émettre un son « vu » aux tonalités basses encourage notre système nerveux à revenir vers un état plus équilibré, apportant par là même un sentiment de cohésion à nos organes et à notre corps. Ce son particulier provient de la partie inférieure de notre tronc, plus précisément de sous le diaphragme. Lorsque nous focalisons notre attention sur la sensation que procure ce son, cela nous aide à nous réinitialiser.

Il y a une grande différence entre une respiration forcée et une respiration qui se produit spontanément. Au lieu de prendre une profonde respiration de manière intentionnelle, expire complètement l’air qui est en toi, et ce faisant, prends conscience de la qualité du sentiment d’apaisement qui se dégage lorsque ton corps se rééquilibre.

Tout au long de ta journée, essaie d’être attentif·ve aux moments où tu laisses échapper une grande respiration ou un soupir. Cette expiration lente et audible est une expérience quotidienne de remise en état du corps et de l’esprit. Nous soupirons spontanément plusieurs fois par heure, au fur et à mesure que notre système nerveux se réinitialise et se régule.

Place ta main droite sous ton aisselle gauche, près de ton cœur. Ensuite, place ta main gauche sur ton épaule droite. Porte une attention toute particulière à la chaleur de ton corps. Elle invoque un sentiment de sécurité. Sois attentif·ve pour voir si tu ressens un certain bien-être s’installer dans ta poitrine, si tu dois prendre une respiration spontanée plus profonde ou encore, si tu sens une respiration naturelle revenir d’elle-même. Ensuite, lorsque tu es prêt·e, inspire calmement et, au moment d’expirer, laisse sortir tout ton air lentement avec un son “vu”, similaire à celui d’une corne de brume aux tonalités basses. Répète cet exercice trois fois lentement. Imagine que ton cerveau descend dans ton bassin, tel un glaçon qui fond, afin d’aider la régulation de ton système nerveux. Et enfin, intéresse-toi de plus près à ce que tu ressens et constates. Est-ce que quelque chose a changé en toi ? Ton attention est-elle plus accrue ?


Exercice : étendre ton regard

Dans notre situation moderne, et surtout avec le besoin soudain de s’occuper les un·e·s des autres tout en respectant une distanciation physique, nous passons beaucoup de temps en vision focale, dans laquelle nous déplaçons l’attention focalisée d’un objet à l’autre. Il est utile d’étendre notre conscience périphérique et d’acquérir un plus grand sens de la perspective physique à mesure que nous nous adaptons au contexte dans lequel nous nous trouvons. Fixer des écrans, ou même des documents imprimés, est une invention humaine assez récente. Avant l’industrialisation, la grande majorité des gens ne passaient pas autant de temps à regarder les choses de si près. Nous avons évolué dans la savane. L’évolution humaine nous a fait descendre des arbres pour nous tenir debout. C’est bon pour notre système corporel de pouvoir voir au loin, même dans le paysage urbain. En nous concentrant sur le point de contact le plus éloigné de nous, nous développons une conscience plus souple et étendue, tout en conservant un sentiment de vigilance. L’objectif est d’entrer dans un état de vigilance détendue dans lequel tu peux accéder à un large éventail de réactions et ce, à n’importe quel moment.

Pour commencer, laisse tes yeux aller là où ils veulent aller. Laisse les se promener lentement. Prend un moment ou deux pour faire cela ; porte un intérêt tout particulier à ce que tu constates et ressens. Ensuite, commence à chercher l’élément le plus éloigné de toi que tu aperçois. Il te faudra peut-être un moment d’adaptation pour t’habituer à regarder au loin, mais profite de ce moment pour pratiquer et développer cette nouvelle aptitude. Quelle est la chose la plus éloignée que tu peux voir en ce moment ? Lorsque tu trouves cet objet, porte une attention particulière sur comment tes yeux s’assouplissent et comment les muscles de ton visage se détendent. Tu remarqueras peut-être également que tu inspires ou expires plus profondément de manière naturelle.

Ensuite, étends lentement tes bras devant toi et déplace-les vers l’extérieur jusqu’aux limites de ce qui se trouve dans ton champ de vision périphérique. Une fois que tu as trouvé cette limite, tourne tes paumes vers l’intérieur et remue lentement tes doigts. Lorsque tu trouves à nouveau cet objet situé le plus loin de toi, concentre toi sur le fait que tes yeux s’assouplissent. Laisse les se reposer et profite de ce sentiment plus profond de recentrage. Sois conscient·e du fait que tu peux à la fois maintenir une vision détendue tout en faisant attention aux mouvements de tes doigts. Dans cet état, tu es en parfait équilibre avec une vigilance détendue, prêt·e à répondre à n’importe quelle menace depuis un état de calme sous-jacent.


Exercice : porter une attention particulière au visage

Il est important de faire de la place pour pouvoir exprimer des sentiments d’agitation, de rage et de deuil. L’objectif de cet exercice est de légitimer et d’entretenir ces sentiments, en leur donnant la permission et la possibilité de s’exprimer. Lorsque nous sollicitons nos muscles faciaux, ils contribuent à faire baisser et à réguler notre système nerveux. Cela nous permet aussi de mieux communiquer et de mieux lire le visage des autres.

Commence par diriger ton attention sur ton visage. Plie lentement les muscles de ton visage jusqu’à ce qu’ils soient aussi contractés que possible. Tiens cette position pendant un moment, puis relâche tes muscles. Après quelques cycles respiratoires naturels, élargis et étends ton visage vers l’extérieur. Ouvre la bouche et étire tes joues. Là encore, tiens cette position pendant un moment, puis repose-toi. Répète plusieurs fois ces différentes étapes.

Ensuite, lorsque tu es prêt·e, concentre-toi sur les sentiments qui demandent de l’attention et du mouvement. Recommence à froncer ton visage, en portant l’attention sur tes yeux et ton nez ; fronce ton visage encore plus fort, en faisant savoir à la colère qu’elle peut sortir et s’exprimer sans problème. Tu peux ressentir une respiration spontanée visant à te calmer. Ensuite, utilise tes yeux pour réaliser un regard perçant. Serre légèrement les dents. Laisse sortir de ta bouche tout grondement ou son que tu sens en toi. Lorsque tu es prêt·e, laisse ton visage revenir à un état neutre, ce qui permet à tes yeux de s’assouplir. Répète l’opération plusieurs fois, si nécessaire.


Exercice : équilibrage progressif

Notre corps peut rester coincé dans des schémas habituels où certaines zones sont très contractées ou tendues, alors que d’autres peuvent devenir totalement absentes de notre esprit. Afin de modifier ces états, nous devons prendre conscience de leur existence. Une excellente façon d’y parvenir est de créer et de relâcher intentionnellement la tension que l’on a en soi. Cet exercice attire l’attention sur ce que tes nerfs font habituellement de manière inconsciente, ce qui te permet de commencer à modifier ces schémas.

En position debout, les yeux fermés si cela te convient, commence par tendre une partie de ton corps, puis une autre, en respirant lentement. Pour chaque partie de ton corps, compte lentement jusqu’à huit tout en maintenant la tension avec force. Relâche ensuite progressivement la tension en expirant, en imaginant que cette partie de ton corps se dilate ou prend plus de place, comme si toutes les cellules qui la composent étaient en train de se développer. Après l’inspiration suivante, expire en comptant jusqu’à huit, mais cette fois en imaginant que cette partie de ton corps se détend – fond comme du beurre. Passe par le processus de tension et de relaxation de chaque zone deux fois. Veille à prévoir quelques cycles respiratoires naturels entre les deux états.

Commence par tendre ton cou et ta gorge. Beaucoup d’entre nous sont tendu·e·s au niveau du cou, ce dernier est parfois rigide parce qu’ils et elles essaient de contrôler les différentes situations qu’ils ou elles rencontrent. Le cou est un endroit idéal pour retrouver un peu de bien-être. Après avoir répété cet exercice deux fois, repose-toi un moment. Ensuite, tends tes épaules, tes bras et tes mains, comme si tu te préparais à te battre. Porte une attention particulière sur tes muscles et sur la sensation de force qui se développe maintenant dans ton corps. Sentir tes bras peut te donner une idée de l’espace que tu peux prendre. Troisièmement, tends les muscles de ton ventre. De nombreuses personnes ressentent un nœud de tension dans le haut de leur ventre lié à l’anxiété, tandis que d’autres y ressentent un vide ou un manque. Se concentrer sur le fait de sentir son ventre peut être un pas pour restaurer une profondeur d’expérience et un sentiment de calme dans le simple fait d’être et d’exister. Enfin, tends tes jambes et tes pieds. Beaucoup d’entre nous se sentent séparé·e·s de leurs jambes ; reprendre conscience du fait que ces dernières t’appartiennent bel et bien peut être une étape importante pour sentir ta force, tenir bon et redécouvrir ton pouvoir de charger ou de fuir si besoin est.

Après tout cela, fais un mouvement de balancement supplémentaire pour évacuer l’excès de tension. Tiens-toi debout et tourne le haut de ton corps d’un côté à l’autre, comme si tu regardais d’abord par-dessus ton épaule droite, puis par-dessus ton épaule gauche, en faisant doucement tourner tout le haut de ton corps au passage. Laisse tes bras pendre librement pour qu’ils se balancent devant toi tout en suivant le mouvement de ton corps, puis frappe doucement les côtés de ton corps à la fin de chaque torsion. Tu peux relâcher un peu tes genoux, en laissant tes hanches se joindre au mouvement de rotation. Sens la douce torsion de ta colonne vertébrale lorsque tu te déplaces. Fais cet exercice pendant une ou deux minutes.


Se préparer à toutes les possibilités

Cette pandémie nous rappelle que nous ne savons jamais vraiment ce qui va se passer. Face à l’incertitude, elle peut nous aider à prendre conscience de notre capacité à nous occuper de tout ce que nous pouvons contrôler maintenant. Même si les préparations qui suivent ne deviennent pas nécessaires avant des années ou des décennies, tu te sentiras peut-être mieux armé·e après les avoir effectuées.

Faire face à la perte d’un être cher

La façon dont la pandémie et la distanciation sociale ont déstabilisé nos vies a déjà donné lieu à un douloureux sentiment de perte pour beaucoup d’entre nous. Que tu sois confronté·e aux changements dans ta vie ou que tu pleures la disparition d’un être cher, il peut être utile d’utiliser un rituel pour structurer ta relation avec ces sentiments.

Voici quelques idées pour créer un rituel autour de la perte :

  • Allume et brûle des bougies à un moment précis.
  • Lis des poèmes à voix haute. Enregistre-les pour les envoyer aux un·e·s et aux autres.
  • Organise des feux de joie et partage des histoires. Tu peux toujours le faire tout en gardant une distance de sécurité et en portant des masques.
  • Choisis des objets avec lesquels créer un autel pour le souvenir ou la transition, afin que les gens puissent se rassembler et témoigner ensemble.
  • Mets au point un rituel commémoratif en l’honneur de tes proches, comme la cueillette d’un bouquet de fleurs par exemple, rituel à observer lors de journées dédiées ou quand bon te semble.

Tu peux aussi pratiquer un rituel à un niveau individuel. Cela peut te donner un sentiment de contrôle sur ton environnement à des moments où il est difficile de le préserver. Cela peut t’aider à te sentir plus à l’aise pour te concentrer sur le fait de contrôler des choses qui ne concernent que toi, comme par exemple structurer ta journée, agencer l’ordre des tâches que tu souhaites réaliser ou encore réfléchir à comment disposer certaines de tes affaires dans un espace personnel.

Beaucoup d’entre nous constatent une augmentation spectaculaire du temps passé à la maison avec nos proches. C’est pourquoi, il est particulièrement important de ne pas leur imposer notre frustration ou nos sentiments les plus complexes. Le fait de nous donner des moyens créatifs et intentionnels de répondre à notre besoin de contrôle, comme par exemple nous concentrer sur les rituels, peut nous aider à ne pas blesser ou entrer en conflit avec celles et ceux qui nous entourent.


Outils pour les soins de fin de vie

L’un des meilleurs cadeaux que nous puissions nous offrir mutuellement est de privilégier les conversations difficiles nécessaires afin de se préparer à l’inconnu. Nous t’encourageons à parler avec tes ami·e·s et ta famille de ce que tu souhaiterais en cas de maladie grave. C’est une façon d’accroître ton autodétermination et ton autonomie, même dans le pire des cas. Note ce que tu veux que tes compagnons et compagnes fassent si tu es malade ou mourant·e et ce que tu veux qu’ils ou elles fassent après ta mort. Nous te présentons ici certains aspects logistiques sur la manière de procéder. Sois aussi précis·e que possible. Cela peut être un immense soulagement pour tes ami·e·s et ta famille de ne pas avoir à prendre des décisions aussi importantes à ta place dans une situation où tu ne peux pas les prendre toi-même. En te préparant de cette façon, tu préviendras le genre de remise en question qui peut survenir même chez celles et ceux qui connaissent le mieux tes désirs. On n’est jamais trop jeune ou trop vieux pour prendre ces mesures.

Y réfléchir peut être un moyen important de se préparer à l’inconnu et de prendre soin de soi-même, ainsi que de celles et ceux que l’on aime.

Qu’est-ce qu’une directive anticipée/testament ?

Une directive anticipée, également appelée testament, est un document juridique spécifique à chaque État qui déclare tes souhaits en matière de soins de santé au cas où tu ne serais plus en mesure de prendre ces décisions par toi-même. Elle peut décrire les types d’intervention médicale que tu souhaites recevoir ou non, comme par exemple, la réanimation cardio-respiratoire, la nutrition et l’hydratation artificielle, l’intubation ou la chirurgie. Bien que les formulaires varient d’un État à l’autre, tu peux les obtenir en ligne ou auprès de ton médecin, si tu en as un. Ce document peut être révoqué à tout moment tant que tu en es capable sur le plan cognitif ; il doit être notarié pour être considéré comme applicable. Le formulaire t’oblige à désigner une personne comme ton agent de soins de santé/ton mandataire ou personne de confiance pour les soins de santé.

Qu’est-ce qu’un mandataire pour les soins de santé ?

Un mandataire pour les soins de santé est une personne que tu choisis pour prendre toutes tes décisions en matière de soins lorsque tu ne peux pas le faire toi-même. Tu dois partager avec cette personne autant de détails que possible sur ce que tu souhaites recevoir ou non en terme de soins. Tu peux mettre en place des agents secondaires et tertiaires en plus d’une personne principale. Si tu souhaites qu’ils ou elles prennent des décisions de manière collective et horizontale, précises-le clairement ; juridiquement parlant, la personne principale aura tout le pouvoir de décision, sauf indication contraire de ta part. Avant de choisir quelqu’un pour ce rôle, assure-toi d’obtenir son consentement car il peut s’agir d’une grande responsabilité à donner à une personne qui ne se sent pas à l’aise ou prête pour prendre des décisions aussi importantes.

Quelques questions à se poser lorsqu’on envisage un mandataire pour les soins de santé :

Cette personne peut-elle faire le travail que je lui demande de faire ? Est-ce le type de personne qui peut ou voudrait défendre mes intérêts ? Est-elle à l’aise pour prendre des décisions émotionnelles sous l’effet du stress ? Quelle est la probabilité qu’elle réponde au téléphone dans une situation d’urgence ? Est-ce qu’elle vit à proximité ? Est-elle capable de voyager pour me rejoindre ? Dans quelle mesure cette personne me connaît-elle ? Lui ai-je demandé si elle serait prête à faire cela pour moi ?

Quelques questions générales à se poser lorsqu’on envisage l’incertitude de l’avenir :

  • Quelles sont les choses que tu regrettes et que tu pourrais résoudre aujourd’hui ou à court terme ?
  • Y a-t-il des lettres que tu veux écrire ? Des choses pour lesquelles tu veux t’excuser ?
  • Écris sur le papier trois expériences que tu souhaites commencer à réaliser dès maintenant. Qui aimerais-tu avoir avec toi ?
  • Y a-t-il des biens que tu souhaites donner à une personne en particulier lorsque tu seras parti·e ? Y a-t-il quelque chose dont tu veux te débarrasser dès aujourd’hui ?
  • À quoi devraient ressembler tes funérailles (sonorités, visuels, sensations, odeurs, etc.) ?
  • Si tu pouvais faire quelque chose de ton corps une fois mort·e, qu’est-ce que ce serait ?
  • Y a-t-il des interventions médicales visant à prolonger la vie dont tu ne veux pas qu’elles soient utilisées pour te maintenir en vie ? Et si tu es toujours conscient·e et capable de communiquer ?

Dans l’incertitude de ce moment, sache que tu n’es pas seul·e. Tu fais partie d’un tissu plus vaste de la collectivité humaine qui s’étend dans le temps et dans l’espace, au-delà des limites du capital et du contrôle de l’État, et même au-delà de la portée des virus. Quoi que tu aies à affronter, rappelle-toi que celles et ceux d’entre nous qui rêvent d’un monde complétement nouveau sont dans le même bateau. Prends soin de toi. Il y a encore tant de possibilités que nous pouvons mettre en œuvre.