Grèce : répression et résistance pendant la pandémie

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En coordination avec le collectif de médias anarchistes RadioFragmata, nous présentons le compte-rendu suivant venu de Grèce. Ce dernier décrit les actions entreprises actuellement par le gouvernement grec, ainsi que par les propriétaires d’entreprises, la police et les fascistes, pour tirer profit de la pandémie de COVID-19 dans le but d’intensifier la répression – mais également celles que les anarchistes, les migrant·e·s, les prisonnier·ère·s, les travailleur·euse·s rebelles et les autres mettent en place pour riposter et ouvrir des espaces de liberté.

Ces mises à jour sont adaptées de la contribution mensuelle de RadioFragmata au podcast « Bad News Report » sur la situation actuelle en Grèce. Nous espérons sensibiliser les gens à cette situation et amener davantage d’auditeur·rice·s à écouter ce podcast ; nous recommandons d’écouter « Bad News Report » ainsi que le réseau radio anarchiste/antiautoritaire dans son ensemble.


Avril 2020

En Grèce, l’État a profité de l’épidémie de coronavirus pour expérimenter diverses méthodes de loi martiale et de contrôle social. La police est massivement présente dans les rues comme s’il s’agissait pour elle d’un jour de fête – situation qui n’est pas sans rappeler l’époque de la junte, la dictature qui a dirigé la Grèce dans les années 1960.

Nombre de ces mesures ont des implications politiques pour nos mouvements et pour les luttes sociales qui existent dans cette région.

La situation des réfugié·e·s s’intensifiait déjà en raison de l’envoi opportuniste par l’État turc de réfugié·e·s désespéré·e·s à la frontière grecque. En fin de compte, les réfugié·e·s ont dû faire face à des attaques à la fois du côté turc et du côté grec. Beaucoup de gens ont négligé ce fait à cause du virus – mais bien qu’elles n’aient pas fait la une des journaux, ces attaques ont attiré les louanges des fascistes, des patriotes et d’autres personnes qui souhaitent voir le génocide passif des réfugié·e·s et des migrant·e·s.

L’État grec tente de confiner les réfugié·e·s dans des camps qui sont totalement insalubres, dans lesquels il y a déjà des cas de COVID-19 et où il est impossible pour les gens de maintenir une distance de sécurité les un·e·s par rapport aux autres. Ces lieux sont quelque chose entre des camps de concentration et des zones de mort pures et simples. En outre, de nouvelles mesures sont mises en place pour créer des camps de réfugié·e·s supplémentaires sur l’ensemble du territoire grec afin d’isoler les réfugié·e·s ; beaucoup ont décrit ces camps proposés comme étant des boîtes de Petri massives d’infection et de mort. Se cachant derrière sa réputation d’être débordé et sous-financé, l’État grec a envoyé la MAT (police anti-émeute) et diverses autres forces de l’État sur ses îles et dans les camps de réfugié·e·s pour imposer un verrouillage des lieux et contenir les réfugié·e·s qui luttent pour leur survie face à la pandémie. Les tests effectués dans certains hôtels qui accueillent des réfugié·e·s ont révélé un taux d’infection supérieur à 70 % ; le nombre de morts dans certains camps de réfugié·e·s reste quant à lui inconnu.

L’État a pris des mesures agressives pour réprimer les protestations des réfugié·e·s. De plus, les réfugié·e·s détenu·e·s sur les îles ont été victimes d’attaques de milices ; pendant la semaine du 23 avril, des miliciens ont tenté de tuer des réfugié·e·s qui rentraient chez elleux à pied sur l’île de Lesbos, l’île sur laquelle se trouve le camp de réfugié·e·s de Moria, qui accueille actuellement dix fois plus de personnes que la capacité qui était initialement prévue. Cette attaque perpétrée par des fascistes ou des « patriotes » locaux s’inscrit dans un schéma plus large de violences envers les migrant·e·s et les réfugié·e·s qui implique également les forces de police.

L’État a également arrêté un·e migrant·e anarchiste pour avoir relayé des appels de soutien envers celles et ceux qui font face à ces conditions insupportables à la frontière. Les autorités ont justifié cette arrestation en invoquant des messages postés en ligne, en exigeant une peine de dix ans de prison et en affirmant que la personne arrêtée voulait armer les réfugié·e·s pour qu’ils et elles puissent se défendre. Elles n’ont cité aucune autre preuve contre lui/elle que ces posts prônant l’autodéfense générale. Cela met en évidence un nouveau niveau de répression en Grèce, alors que l’État met en œuvre de nouvelles politiques préventives et draconiennes introduites sous l’administration d’extrême droite de Mytsotakis.

Le jeudi 9 avril 2020, un soulèvement a éclaté dans les prisons pour femmes d’Éléonas-Thèbes, déclenché par la mort d’une personne arrêtée, Azizel Deniroglou. Elle a peut-être été tuée des suites du coronavirus, car elle souffrait de fièvre, d’essoufflement et d’une forte toux dans les jours précédant sa mort. Les prisonnier·ère·s de la prison de Korydallos à Athènes ont également manifesté pour leur propre protection et survie. Comme d’autres prisonnier·ère·s dans le monde, les prisonnier·ère·s grec·que·s demandent une libération anticipée ou de nouvelles mesures sanitaires et de protection. Tout comme les réfugié·e·s laissé·e·s pour mort·e·s, la façon dont les prisonnier·ère·s sont traité·e·s montre que l’État les considère comme des personnes dont on peut se passer.

Le groupe anarchiste de soutien aux prisonnier·ère·s Tameio fait circuler un appel à la solidarité et à une levée de fonds d’urgence : Un fonds de solidarité pour les prisonnier·ère·s anarchistes et les combattant·e·s persécuté·e·s. Depuis sa création en 2010, le groupe tire principalement son financement de dons laissés dans les caisses de soutien des bars et des restaurants, ainsi que de collectes de fonds ; les mesures de confinement ont provoqué un grave manque de ressources pour le groupe. À cet égard, le confinement a perturbé les actions de soutien envers celles et ceux qui sont confronté·e·s à la répression, qui doivent payer les frais de justice et l’aide juridique – et par-dessus tout, le confinement a fortement impacté les 24 prisonnier·ère·s politiques que le fonds soutient directement chaque mois. Vous pouvez trouver plus d’informations sur cette situation ici.

Les équipes d’anarchistes, les membres de différents centres sociaux squattés, ainsi que celles et ceux appartenant à d’autres groupes d’entraide et de secours en cas de catastrophe – groupes indépendants de l’État – développent de nouvelles initiatives et mènent de nouvelles formes d’actions. Officiellement, « aider celles et ceux qui sont dans le besoin » est l’une des six justifications acceptables par les autorités pour quitter son domicile pendant le confinement. Cependant, nombre de ces groupes et les espaces qui les accueillent ont été victimes d’un harcèlement et d’une intimidation incessants de la part des forces de l’ordre, simplement parce qu’ils et elles essayaient de coordonner des livraisons de nourriture aux personnes dans le besoin. Le 25 avril, la police a procédé à de multiples arrestations à Exarchia, ciblant celles et ceux qui ne faisaient que collecter des vivres qui autrement seraient gaspillées et ce, afin de les redistribuer aux personnes qui luttent au quotidien pour s’en sortir.

De nombreux groupes d’entraide ont continué à fonctionner et ce, quelles qu’en aient été les conséquences. Alors que les lois sont floues quant à définir ce qui constitue ou non une « aide aux personnes », la police a reçu l’autorisation d’interpréter cela à sa guise, et elle maintient une politique flagrante de deux poids, deux mesures en refusant toute initiative visant à aider spécifiquement les migrant·e·s ou les personnes exclu·e·s. De même, alors que le groupe anarchiste Rouvikonas a reçu les éloges des médias officiels pour avoir apporté le matériel nécessaires aux établissements de soins athéniens, les gestes de soutien et de solidarité qu’il a entrepris à l’égard des personnes vivant dans les camps de Roms n’ont pas suscité le même engouement. Il est dangereux d’essayer d’aider les gens lorsque la police considère cela comme un affront à son autorité et à l’État, et ce risque augmente en fonction des personnes que l’on essaie d’aider.

Malgré la répression et l’intimidation de ces flics miliciens dans les rues de Grèce, le mouvement a mené de nombreuses actions de solidarité avec les travailleur·euse·s de la santé, les prisonnier·ère·s et les réfugié·e·s. C’est une période effrayante, mais il est inspirant de constater que même dans ces circonstances, notre mouvement reste visible grâce à une énorme quantité d’initiatives basées sur l’entraide, sans parler des graffitis révolutionnaires, affiches et bannières que l’on voit dans tout le pays.

La police s’est également servie de la pandémie pour justifier son déploiement dans les rues d’Exarchia et terroriser ses habitant·e·s, en particulier les migrant·e·s et celles et ceux qui entrent ou sortent des squats. Les contrôles visant à s’assurer du bon respect des mesures de confinement sont plus visibles à Exarchia qu’ailleurs. La police a arrêté et fouillé des personnes au hasard et leur a donné des contraventions pour des infractions fabriquées de toutes pièces afin de terroriser le quartier. Les unités de police habituellement utilisées pour attaquer le mouvement anarchiste, connues sous les noms de MAT et Delta, ont mis en place des points de contrôle et des zones d’occupations dans tout Exarchia, en affirmant que « le quartier tel qu’on le connaissait autrefois ne reviendra jamais. »

La nuit, la situation est particulièrement effrayante ; on peut voir des équipes de police Delta se balader en moto par bandes, tabasser et arrêter des gens au hasard, principalement des migrant·e·s non blanc·he·s. De plus, on peut voir des rassemblements de 30 à 50 policiers à différents points de contrôle, violant ainsi de manière flagrante le protocole de distanciation sociale qui est l’une des raisons pour lesquelles le confinement a été imposé en premier lieu. Ce genre d’opportunisme serait comique s’il n’était pas aussi oppressant pour les résident·e·s les plus vulnérables.

Cependant, le mépris pour le comportement de la police est très répandu, même parmi les habitant·e·s qui, dans le passé, étaient agacé·e·s par les squats et les émeutes d’Exarchia. Nous sommes certain·e·s que lorsque les mesures de confinement seront assouplies, la résistance reviendra en force.

L’État a fait tout ce qu’il pouvait pour blâmer la population si les efforts de distanciation sociale échouaient. L’État et les médias officiels ont diffusé des vidéos fabriquées de toutes pièces montrant des personnes ne respectant pas la distanciation sociale afin de retourner la société grecque contre elle-même. L’État se sert de cette pandémie pour expérimenter la loi martiale, allant même jusqu’à interdire la baignade et la pêche. De telles mesures servent à tester ce que le peuple grec est prêt à tolérer et supporter afin d’affiner les plans pour les futures tentatives autoritaires visant à changer cette société, surtout si l’on considère que le FMI prévoit maintenant un ralentissement économique encore plus important que celui que le pays a connu lors de la récession de 2008.

Partout dans le pays, la police grecque met des contraventions aux sans-abri qui violent la loi sur le confinement en raison du fait qu’il et elle n’ont pas de logement, donne des contraventions dont les montants sont plus élevées que la normale aux migrant·e·s et cible les plus vulnérables sous prétexte de faire respecter les mesures de sécurité. L’État grec a également expulsé des logements étudiants dans tout Athènes, une mesure dont les autorités espèrent qu’elle facilitera la privatisation du système universitaire à l’avenir. Elles utilisent également le système de messagerie téléphonique par lequel les résident·e·s demandent à l’État la permission de sortir de chez elleux pour recueillir des informations sur la population en général.

En bref, l’État grec, qui a réduit le financement des établissements médicaux et accéléré la privatisation des soins de santé, fait face à la pandémie en intensifiant le contrôle étatique et la manipulation sociale. Début avril, lorsque les médecins et autres travailleur·euse·s de l’hôpital Evangelismos, dans le centre d’Athènes, ont tenté d’organiser une manifestation pour réclamer des équipements de protection plus performants, une armée de police a fait irruption pour y mettre fin. En plus d’ordonner des agressions directes contre le personnel médical, les autorités ont également déclaré aux travailleur·euse·s du secteur de la santé grec·que·s qu’il leur était interdit de parler publiquement à la presse des questions liées à la pandémie.


Ceci est une adaptation du compte-rendu de Bad News pour le mois d’avril via RadioFragmata ; tu peux l’écouter ici.

Le tweet dit : « Avons-nous survécu au coronavirus seulement pour attraper la grippe porcine ? »

Mai 2020

À l’heure actuelle, la Grèce est perçue comme ayant évité d’être durement touchée par le COVID-19. Bien que le nombre officiel de mort·e·s soit resté assez faible, certain·e·s soupçonnent que l’État rapporte des chiffres moins élevés qu’ils ne le sont en réalité et ce, afin de revendiquer une victoire politique sur le virus et de maintenir une bonne image du pays pour le tourisme de luxe de cet été. En tout état de cause, l’État continue de profiter de la situation pour étendre son appareil de contrôle, opprimer les groupes marginalisés et exclus, cibler les jeunes et réorganiser la société grecque pour servir les objectifs politiques de la nouvelle administration.

Contrairement à ces dernières années, un appel anarchiste plus large a circulé pour que les gens participent aux manifestations du 1er mai. En Grèce, le 1er mai, malgré ses origines anarchistes, a été largement récupéré par la gauche [étatique]. Que ce soit pour susciter de nouvelles initiatives ou pour démontrer la volonté politique de notre mouvement, le 1er mai 2020 a vu une présence anarchiste massive dans toute la Grèce.

Environ 800 anarchistes se sont rassemblé·e·s pour défiler dans le centre d’Athènes au mépris du confinement. Comme d’habitude, la police s’est concentrée sur ce contingent tout en ignorant la mobilisation organisée par le parti communiste. Cela montre qui les défenseur·euse·s de l’État considèrent comme leurs ennemi·e·s, qui ils et elles considèrent comme une menace. En plus de cette marche, le syndicat autonome des livreur·euse·s est descendu dans la rue lors d’une manifestation à moto. Cette action faisait suite à une précédente manifestation de livreur·euse·s qui réclamaient de meilleures conditions de travail et rémunérations, notamment en raison de la demande accrue de livraisons pendant la pandémie. D’autres petits rassemblements et manifestations ont eu lieu à Athènes et dans toute la Grèce le 1er mai. Des banderoles et des graffitis sont également apparus pour affirmer que le 1er mai n’est pas coopté par la gauche autoritaire.

Dans la nuit qui a suivi le 1er mai, le groupe anarchiste Rouvikonas a attaqué le siège de la société de service clientèle Télé-Performance. Cette société est connue pour exploiter les Grec·que·s, considérant la Grèce comme une opportunité pour pouvoir verser des salaires dignes du tiers-monde au sein même de l’Union européenne. Cette action a attiré l’attention sur l’un des prédateurs qui vise à profiter de la détérioration économique que le coronavirus va provoquer en Grèce.

Profitant de l’opportunité offerte par le désespoir économique et la distraction créée par la pandémie, le nouveau gouvernement grec tente d’éliminer un grand nombre des protections environnementales existantes concernant les magnifiques zones sauvages du pays. Une nouvelle loi que les autorités ont proposée éliminera plusieurs réglementations préservant les zones sauvages et ouvrira la voie à une accélération de la destruction de l’environnement. La nouvelle loi légalisera divers projets d’exploitation minière, de construction et de développement qui étaient auparavant impossibles. Cela mettra le sort des vastes étendues sauvages grecques à la merci des entreprises privées et du capitalisme industriel. Le 5 mai, le lendemain du début du déconfinement, une veillée a eu lieu devant le Parlement pour attirer l’attention sur la destruction écologique que la loi entraînera ; la police a brutalement arrêté et exfiltré 15 des manifestant·e·s présent·e·s.

Bien que la liberté de circulation ait été assouplie en Grèce depuis le 4 mai, de nombreuses restrictions liées au confinement restent en vigueur, en particulier pour les bars, les restaurants et les autres commerces dits « non essentiels. » Quoi qu’il en soit, il est clair que la police continuera à cibler des groupes démographiques et des rassemblements spécifiques. Tout d’abord, la police a violemment attaqué des jeunes qui s’étaient rassemblé·e·s pour célébrer la levée de la quarantaine sur la place Agia Pareskevi. La police les a poursuivi et a tiré sur elleux avec des gaz lacrymogènes simplement parce qu’ils et elles s’étaient rassemblé·e·s dehors après des semaines de confinement.

Peu après, le 8 mai, dans le quartier de Kipseli à Athènes, la police a de nouveau tiré des gaz lacrymogènes sur une petite place et a attaqué des jeunes pour le simple fait qu’ils et elles s’étaient retrouvé·e·s dehors et buvaient des coups ensemble. Cette agression faisait suite à une manifestation anarcho-féministe contre le patriarcat intitulée « Reprenons la nuit », probablement l’une des raisons qui a poussé les forces de police à attaquer la place en question. Lorsque la police a tenté d’encercler la place, les gens ont commencé à scander des slogans à son encontre ; en réponse, les forces de l’ordre ont tiré des gaz lacrymogènes au hasard au centre de la foule. Les gens se sont dispersé·e·s dans différentes directions, et ont ralenti la progression de la police en lançant quelques projectiles et en mettant des poubelles au milieu de la rue. Ensuite, la police Delta a commencé à poursuivre quiconque essayait d’éviter les gaz lacrymogènes, frappant et arrêtant les gens au hasard. Au final, les flics ont interpellé plus de 40 personnes, et cinq d’entre elles ont été arrêtées. Durant ces confrontations de nombreuses personnes ont été violemment frappées, l’une d’entre elles a eu des dents cassées et une autre présente de multiples fractures après que la police lui ait fait tomber une moto dessus.

Un tract pour la manifestation « Reprenons la nuit » du 8 mai à Athènes.

La colère suscitée par cette attaque a inspiré un rassemblement offensif le lendemain, le 9 mai. Des milliers de personnes sont retournées sur cette place pour montrer à la police que le COVID-19 ne dépouillera pas notre société de son humanité. Pendant la manifestation, les gens ont attaqué des banques, des magasins franchisés et un poste de police ; un flic a même été pris en embuscade et a vu sa moto détruite.

Outre les motivations misogynes de la répression de la manifestation du 8 mai, nombreux·euses sont celles et ceux qui pensent que les commerçant·e·s encouragent la police à disperser les rassemblements de jeunes sur les places. Ne souhaitant pas que les gens profitent d’un espace gratuit, ils et elles veulent faire comprendre que lorsque des commerces « non essentiels » pourront à nouveau ouvrir, il faudra acheter une boisson pour pouvoir traîner dans l’espace public. En réponse aux mesures extrêmes déployées par la police pour exercer un contrôle sur Exarchia, les jeunes cherchent de nouveaux lieux pour se rassembler librement ; la police ne veut pas qu’une telle tradition reprenne, ni que quelque chose ressemblant à ce qu’était – et sera encore – Exarchia se généralise dans toute la ville.

Un appel à manifester le 9 mai en réponse aux attaques de la police à Kipseli le 8 mai.

La campagne anti-migrant·e·s impliquant à la fois l’État et les fascistes issus de la base continue de se développer rapidement. Les migrant·e·s organisent toujours de petites manifestations pour exiger des conditions de vie décentes dans les camps de réfugié·e·s. Les fascistes en uniforme ou non continuent d’attaquer activement ces manifestations. L’État a pratiquement proclamé qu’il ne s’opposait pas à ce que le COVID-19 se répande dans les camps de réfugié·e·s tant que ce dernier ne se propage pas en dehors de leurs murs. Les autorités continuent à déplacer les réfugié·e·s dans les terres dans le cadre d’un processus visant à les isoler et à les dissimuler davantage et ce, le plus loin possible des destinations touristiques.

Cependant, durant la première semaine de mai, des fascistes locaux ont réagi avec une extrême violence à une tentative de déplacement de 57 réfugié·e·s. Le gouvernement essayait de transférer les réfugié·e·s, dont beaucoup étaient des enfants, vers un hôtel loué à Pella, dans le nord de la Grèce. Les fascistes locaux et les soi-disant « patriotes » – un euphémisme pour les fascistes qui ne veulent pas que leur allégeance soit aussi évidente – ont attaqué les bus qui les transportaient. Les agresseurs ont également mis le feu au rez-de-chaussée de l’hôtel qui devait les héberger.

Par la suite, une autre tentative a été faite pour loger les réfugié·e·s dans un autre hôtel d’Arnissa ; cette fois, 250 fascistes et autres bigot·e·s ont mis le feu à la route pour empêcher les bus d’entrer dans le village. Les villageois·ses fascistes ont également agressé le propriétaire de l’hôtel et ont attaqué l’établissement. Finalement, les réfugié·e·s ont été emmené·e·s dans la région de Thessalonique. On sait que ces actions faisaient partie d’une campagne plus large menée par le parti ouvertement fasciste Aube Dorée et d’autres groupes fascistes afin d’intensifier la violence à l’encontre des migrant·e·s d’une manière que l’État ne peut pas faire publiquement. Il est largement soupçonné que nombre des participant·e·s à ces attaques étaient des policier·ère·s qui n’étaient pas en service.

La situation des réfugié·e·s ne s’améliore pas, et la pandémie la complique encore plus. Le récit de l’État est généralement que les autorités comprennent les réactions xénophobes et fascistes de certain·e·s citoyen·ne·s grec·que·s, mais qu’elles ne peuvent pas les soutenir ouvertement et pleinement en raison des obligations du droit international. Cette situation a ouvert la voie pour que l’oppression de l’État et la violence émanant de la base travaillent côte à côte, même de manière informelle. Au cours de la deuxième semaine de mai, une chaîne de magasins Lidl sur l’île de Samos a commencé à séparer les client·e·s en deux catégories : les Grec·que·s d’un côté et les non-Grec·que·s de l’autre. Les migrant·e·s ont été prié·e·s d’attendre que les client·e·s grec·que·s aient terminé leurs achats avant d’entrer dans le magasin. La situation des immigré·e·s en Grèce est déjà terrible et devrait encore s’aggraver.

Dans les prisons, les autorités pénitentiaires ont également pris pour cible les prisonnier·ère·s qui ont défendu leurs moyens d’existence pendant la pandémie.

Vasilis Dimakis est un anarchiste qui purge une peine de 23 ans pour des vols de banque présumés. Il a été une voix courageuse contre les conditions de vie déplorables dans les prisons grecques. Il a entamé une grève de la faim lorsque la pandémie a été constatée pour la première fois en Grèce, contribuant ainsi à une plus grande sensibilisation du public vis-à-vis de la répression et des conditions de vie déplorables auxquelles les prisonnier·ère·s sont confronté·e·s pendant cette épidémie. Il a également été un étudiant passionné derrière les barreaux, utilisant le peu d’opportunités éducatives qui lui sont offertes pour poursuivre ses études pendant son incarcération. Le 9 mai, il a décidé d’étendre sa grève de la faim à une grève de la soif, en réponse au fait que les autorités l’ont déplacé dans une cellule d’isolement de la prison de Korydallos pour l’empêcher de continuer à inspirer la rage et la résistance derrière les barreaux.

Pola Roupa, prisonnière du groupe Lutte Révolutionnaire, a lancé un appel à la solidarité internationale. Elle aussi a continué à lutter contre la répression opportuniste et la violence dans les prisons grecques. Elle aussi a été isolée, transférée et prise pour cible par le personnel pénitentiaire en raison de sa résistance constante et de son organisation derrière les murs de la prison. D’autres membres de Lutte Révolutionnaire emprisonné·e·s ont également été transféré·e·s et isolé·e·s afin de tenter de réprimer l’intensification de la résistance dans les prisons en réponse à la pandémie imminente. Le groupe a lancé un appel à la solidarité révolutionnaire internationale.

Deux membres de Grup Yorum, un groupe bien-aimé fondé par des Turc·que·s et étroitement lié à des mouvements en Grèce, sont décédés en avril à la suite d’une longue grève de la faim : Helin Bolek est décédée le 3 avril et Ibrahim Gokceck le 24 avril. L’État turc est allé jusqu’à voler le corps d’Ibrahim lors de ses funérailles et à arrêter de nombreuses personnes présentes, dont son propre père en deuil. Par la suite, un incendie criminel a eu lieu, visant la voiture d’un diplomate turc à Thessalonique. L’incendie de la voiture du diplomate était un acte de vengeance, mais ce n’est rien comparé à la répression et au traumatisme que l’État turc continue d’infliger.

À l’approche de la crise économique, des anarchistes insurrectionnels ont procédé à des expropriations à Salonique. Le 7 mai, un groupe s’est rendu dans un supermarché et a emporté avec lui et sans payer des paniers remplis de nourriture et d’autres produits de première nécessité. Plus tard, beaucoup de ces articles sont apparus sur une grande place de la ville afin que tout le monde puisse prendre ce dont il ou elle a besoin. De telles actions sont susceptibles de se multiplier alors que la Grèce fait face à une situation économique qui s’annonce encore plus difficile que celle qu’elle a déjà connue. Ce qui suit est un autre aspect d’une campagne de projets d’entraide déjà existante qui a continué à se développer pendant la pandémie. Des groupes anarchistes ont livré des masques et d’autres produits de première nécessité dans des camps de réfugié·e·s pour les réfugié·e·s politiques turc·que·s et kurdes, les communautés Roms et toute autre personne exclue par l’État grec.

Début mai, la page Facebook de RadioFragmata a été brusquement supprimée sans aucune raison apparente. Nous n’attendions rien d’autre de la part de Facebook, mais plus de 30 000 personnes suivaient la page, qui servait de plateforme de grande envergure pour diffuser des informations sur la lutte en Grèce et à l’étranger. Nous avons créé une nouvelle page et continuons à maintenir un blog et un compte Twitter. Nous supposons que Facebook a supprimé notre page suite à une demande de l’État, mais Facebook n’a donné aucune justification à leur action.

En Grèce, l’été est à nos portes mais le ciel sombre se profile encore à l’horizon. Cependant, la résistance et la rage sont très fertiles ici. Bien que la situation soit sans précédent, nos mouvements sont prêts.


Ceci est une adaptation du compte-rendu de Bad News pour le mois de mai via RadioFragmata ; tu peux l’écouter ici.


Qu’est-ce que RadioFragmata ?

RadioFragmata est un collectif de média anarchiste underground basé à Athènes, en Grèce. Twitter : @radiofragmata

Écoute RadioFragmata ici.

Notre page Facebook, qui comptait plus de 30 000 adeptes, a récemment été supprimée par le site sans aucune explication. Indépendamment de notre mépris pour Facebook, ce fut un coup dur pour notre capacité à atteindre un public plus large. Nous avons créé une nouvelle page ici.


Qu’est-ce que Bad News Report ?

« “B(A)D NEWS – Angry voices from around the world” est un programme d’information mensuel du réseau international de radios anarchistes et antiautoritaires, composé de courts segments d’information provenant de différentes parties du monde. En tant que réseau international de projets radiophoniques, nous croyons en l’importance de la solidarité internationale. Et nous reconnaissons également l’importance et la nécessité de créer et de diffuser nos propres médias et contre-informations. Nous espérons, par cette action, atteindre d’autres projets, groupes et individus anarchistes et antiautoritaires, et renforcer nos liens et nos luttes en partageant nos histoires. »